Articles sur la plongée (© Diving 91)



Choisir sa décompression

Auteur: Docteur Michel STRUYE Publié le: 15/1/99

 

Encore maintenant, nombreux sont les plongeurs qui pensent que la décompression se résume au suivi scrupuleux d'une table ou d'un ordinateur.

La philosophie de la décompression a beaucoup évolué au fur et à mesure que les connaissances se sont enrichies de nouvelles statistiques rétrospectives quant aux incidents de plongée survenus avec utilisation de telle ou telle méthode de décompression. Il est aisé de comprendre que l'expérimentation humaine étant inacceptable on ne peut qu'analyser le fruit de l'expérience de manière empirique. Le calcul reste le point de départ incontournable à l'élaboration d'un modèle de décompression mais c'est l'expérience qui permet d'en affiner le profil. Ainsi Tables et Ordinateurs ont évolué pour offrir au plongeur une sécurité accrue.

Considérons le cas des tables MN 90. Leur venue a considérablement amélioré la qualité de la décompression si on la compare aux tables GERS 65. En observant les problèmes rencontrés avec les GERS 65, le Dr Méliet en a tiré les enseignements et a modifié vitesse de remonté et temps de paliers pour éviter des cas de figures générateurs d'accident. Le choix de telles tables apporte donc des avantages réels par rapport aux précédentes. Mais l'analyse de cette utilisation montre qu'il faut aller plus loin dans les critères de choix. En effet n'oublions pas, le Dr Méliet est le premier à le dire, que les MN 90 ont été élaborées au sein de la Marine Nationale et q'elles s'adressent à une population de plongeurs jeunes, hyper-entrainés, suivis sur le plan médical, ne plongeant pas plus de 5 jours par semaine, ne dépassant pas deux plongées par jour et évitant les efforts ! Nous sommes loin de l'utilisation arbitraire qui en est faite avec le plongeur plus ou moins entraîné, ayant pris quelques années et quelques kilos de trop, fumeur peut-être, sans compter la soirée de la veille, le verre à la main, à la nuit trop courte ou cédant à la fatigue du voyage ! Faut-il parler en plus de l'effort à contre courant et de la plongée de nuit en prime !

Bref vous l'avez compris si vous vous sentez capable de rassembler les qualités du plongeur militaire optez pour les MN 90. Dans le cas contraire choisissez des tables plus rigoureuses susceptibles «d'éponger » un ou plusieurs facteurs de risque en augmentant votre marge de sécurité.

Les table MT 92 seront alors peut-être plus adaptées. Il en est de même avec les ordinateurs. Selon les fabricants les algorithmes préconisés pourront s'avérer plus ou moins laxistes, offrant au plongeur une sécurité différente selon le choix. Ne comparez jamais deux ordinateurs en fonction de la durer des paliers, ce serait là une grossière erreur. Bien au contraire renseignez-vous sur le programme de décompression proposé et tenez compte de votre âge, corpulence, entraînement physique etc. afin que votre choix final soit le mieux adapté à votre propre «cahier des charges ».

La méthode de décompression utilisée n'est donc plus unique et définitive, c'est à vous de vous informer et de choisir avec sagesse celle qui correspond le plus à votre mode de plongée. Voilà pourquoi il existe des différences dans les modèles proposés. Le plus difficile est de savoir choisir avec objectivité et de ne pas se surestimer. Assurez-vous une marge de sécurité : vous ne le regretterez jamais !

Pourquoi de telles différences entre les tables ou les ordinateurs ? Bien que la base de calcul soit la même, certains coefficients peuvent varier selon les concepteurs quant à l'appréciation du niveau de bulles toléré dans l'organisme du plongeur lors de l'émersion. On apprécie en général la quantité de bulles générées lors de la décompression avec des appareils Doppler dont la sensibilité peur être différente. Ceci n'est qu'un exemple caricatural mais permettant de comprendre la différence des choix proposés.

Considérons de même l'incidence de deux vitesses de remontée de valeur différente, à savoir 17 m/mn, et 9 m/mn. Des travaux récents ont mis en évidence une différence significative de la quantité de bulles présentes dans le sang après la sortie de l'eau, chez les mêmes plongeurs ayant participé à des plongées identiques mais avec, tour à tour, les deux vitesses de remontées considérées. Cela est un exemple tout à fait précis sur l'incidence de ce paramètre dans le résultat de la décompression. Si 17 m/mn s'avèrent peut être suffisants pour une population jeune et entraînée, 9 m/mn correspondra d'avantage au plongeur moyen de loisir. Il en va de même pour d'autres paramètres qui détermineront des différences de calcul selon la valeur du risque accepté. Cette notion doit désormais responsabiliser d'avantage le plongeur, et ne peut se faire qu'à la condition d'une meilleure connaissance des modélisations proposées.

L'amélioration de la communication entre scientifiques et utilisateurs permettra sans aucun doute d'améliorer la sécurité de la décompression à travers les conseils de professionnels éclairés.